Tout commence par un subtil « craquement ». Ça ne fait pas mal, tu ne t’en rends même pas compte. Mais mois après mois, année après année, elle grandit, s’approfondit, jusqu’au jour où vous remarquez que votre vie est brisée en deux. Pour Stavros Terzakis, le « crack » est survenu en 2014, lorsqu’un accident a laissé un proche de la famille avec un grave problème de mobilité, qui s’est ajouté aux problèmes de santé de la vieillesse. Prenant en charge ses soins, à la manière évidente d’une famille grecque, il ne s’est pas rendu compte que sa vie était sur le point de changer radicalement.

Qu’il manquerait des vacances, des vacances sans souci, que ses propres épaules porteraient des fardeaux doubles et triples, que ses « responsabilités oisives » augmenteraient, comme il avait l’habitude de dire.

« Cela n’arrive pas soudainement, cela arrive lentement. Vous acceptez de nouvelles responsabilités au coup par coup, une par une, et un jour vous réalisez que vous ne pourrez jamais les rendre parce que l’autre personne est assise à un niveau de santé différent. Alors tu les prends sur tes épaules et tu passes à autre chose. »

Ils sont les travailleurs invisibles de la vie, un groupe caché de « professionnels » sans récompense financière, sans droits, sans reconnaissance. Il s’agit de ce que l’on appelle les aidants familiaux, c’est-à-dire les parents, les frères et sœurs, les conjoints ou les enfants de patients atteints d’une maladie chronique, d’un handicap physique ou mental, ou d’une personne nécessitant des soins de longue durée. On estime qu’aujourd’hui une personne sur 40 – principalement des femmes – est un aidant, qui fournit des dizaines d’heures de soins par semaine.

« Ces personnes souffrent d’un double traumatisme, d’une part la maladie chronique de leur proche et d’autre part la prise de conscience qu’elles doivent répondre à un rôle qu’elles n’ont pas choisi, mais la vie a créé les conditions qui le leur ont imposé », explique à K. Stavros Terzakis Kalliopi Panagiotopoulou, psychothérapeute et membre du comité scientifique du réseau grec des aidants EPIONI :

« C’est un rôle que vous choisissez. Beaucoup de gens pourraient dire « Je ne suis pas impliqué, laissez le patient aller dans une structure et je lui rendrai visite de temps en temps ». Beaucoup, en somme, pourraient les garer quelque part. Nous choisissons le rôle d’aidant, mais nous n’y sommes pas préparés. »

Les aidants familiaux, en plus des responsabilités quotidiennes concernant le patient, sont appelés à prendre des décisions critiques concernant le processus de traitement, à évaluer les étapes franchies jusqu’à présent, à planifier les prochaines. En même temps, ils doivent prendre soin d’eux-mêmes et des autres membres de la famille, quel qu’en soit le coût financier. La pression exercée sur leur santé physique et mentale par le volume des responsabilités est donnée et critique.

« Nous avons constaté que ces personnes sont appelées à faire face à leur rôle dans la vie et à s’occuper d’un malade chronique, ce qui les amène à se négliger elles-mêmes », explique Mme Panagiotopoulou. Les aidants risquent, entre autres, de souffrir de dépression, d’anxiété, d’épuisement physique et mental, d’idées suicidaires et de comportements autodestructeurs, et en général d’une baisse de leur qualité de vie.

« Si, en tant que société, nous ne prenons pas soin des aidants, nous aurons une nouvelle armée de malades chroniques souffrant de diabète, de dépression, de maladies cardiaques », souligne l’expert.

Beaucoup de gens ignorent que la loi sur le travail 4808/21 a établi plusieurs droits pour les aidants et reconnu leur rôle dans la communauté.Syndrome de la grenouille

« C’est le syndrome de la grenouille bouillante », dit Terzakis. « La grenouille, si vous la jetez dans une casserole d’eau bouillante, elle va sauter. Si vous le mettez dans de l’eau froide et que vous la réchauffez lentement, il va essayer de s’adapter. Les aidants familiaux aussi. Sans s’en rendre compte, ils s’épuisent. Moi, par exemple, je n’ai pas pris de vacances depuis six ans. Chaque été qui m’arrive ne me dérange pas, mais ce n’est pas normal. Le ralenti de votre vie s’accélère, mais vous, comme la grenouille, ne pouvez plus sauter. » Vous vous épuisez à essayer de vous adapter aux nouvelles exigences de la vie.

L’une des raisons de la création d’EPIONI est la reconnaissance du statut d’aidant non officiel. « Ces personnes font un excellent travail social, elles réduisent les coûts de prise en charge des malades chroniques pour les systèmes de santé, elles contribuent à leur fonctionnalité, à leur traitement. Le parcours du patient et de l’aidant est partagé. L’augmentation de la qualité de vie de l’un affecte la qualité de vie de l’autre », souligne Mme Panagiotopoulou. Parmi les demandes, on trouve des horaires de travail flexibles, un congé pour les aidants, une allocation, un soutien aux familles avec des services de soins à domicile pour le patient, mais surtout des informations et un soutien psychologique. La loi sur le travail 4808/21, adoptée à la suite d’une directive européenne, a établi plusieurs droits pour les aidants et reconnu leur rôle dans la communauté. Toutefois, beaucoup ignorent encore qu’ils peuvent faire valoir ces droits.

C’est étrange, mais avant même l’accident de son parent, le 17 mars 2013, le jour de la Journée mondiale des aidants, Stavros Terzakis avait, par pure curiosité, assisté à un atelier sur le sujet au Musée de la guerre. « Je ne sais pas ce qui m’avait attiré. L’auditorium était rempli de personnes, pour la plupart des proches de patients atteints de la maladie d’Alzheimer. Je me souviens encore de la présentation d’un psychiatre. « Faites attention, car avant que le patient ne soit perdu, vous, les aidants familiaux, risquez de vous perdre vous-mêmes. » C’est pourquoi il est important que l’aidant prenne également soin de lui. »

Reproduit de l’article de Kathimerini :

https://www-kathimerini-gr.cdn.ampproject.org/c/s/www.kathimerini.gr/society/561859072/to-diplo-trayma-ton-oikogeneiakon-frontiston/amp/